La Pédagogie CPR propose une nouvelle échelle d'évaluation. Pourquoi ? Quel est son intérêt ? Peut-elle être utilisée dans d'autres contextes ? Cet article tente de répondre à ces questions.
La première question est celle de l'identité de la Pédagogie CPR : cette échelle fait partie intégrale du dispositif CPR, elle n'est pas un simple détail cosmétique qui permettrait juste de se distinguer, juste de ne pas faire comme les autres...
C'est pourtant parfois la première réaction de mes interlocuteurs : "Je ne vois pas ce que ça change de changer acquis par observé ou validé !".
Je vais donc tenter de montrer dans cet article qu'il y a bien des différences profondes et réellement impactantes dans la classe.
Pourquoi créer une nouvelle échelle ?
L'idée de cette échelle ne m'est pas venue tout de suite lors du développement du dispositif des Plans de Travail CPR. Au départ, j'utilisais une échelle de notes en ABCD avec un A+ possible. Dans les bilans, je notais en Acquis, partiellement Acquis et non Acquis. C'est après quelques années de pratique que j'ai commencé à interroger mes habitudes d'évaluation prises dès l'IUFM en cohérence avec la mode pédagogique implantée dans la majorité des écoles.
Mais avec le temps et les plans CPR passant, j'ai commencé à théoriser la notion du Choix Pragmatique des élèves. Celle-ci était centrale dans la nouvelle pédagogie qui se mettait en place jour après jour. Dans le même temps, et je vous renvoie à mon premier livre "Rendre chaque élève de Cm1-Cm2 responsable de ses apprentissages" (voir ici), mon premier et principal acte d'évaluation est l'observation. C'est elle qui permet en particulier de considérer chaque élève à travers sa singularité (là aussi, je vous renvoie à mon premier ouvrage pour saisir totalement l'enjeu de ce concept fondateur). Alors, à bien les observer ces élèves, je m'interrogeais, j'hésitais de plus en plus souvent à marquer "Non Acquis" sur certaines compétences. Je voyais bien que certains de ces élèves possédaient des compétences qu'ils ne mettaient pas en pratique au moment souhaité, (au moment où j'évaluais).
De l'autre côté du spectre évaluatif, il n'y avait pas moins de questionnement ! "Acquis !"... D'accord, mais dans ce mot, il y a un côté définitif... Quand c'est acquis, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas... Et pourtant, combien de fois une compétence évaluée comme acquise (parfois au forceps) ne le semble plus tellement quelques semaines après.
Et c'est un dernier évènement qui va engager la bascule : un inspecteur de l’Éducation Nationale a déclaré en conférence pédagogique que l'on pouvait noter "Acquis" sur une compétence dès que l'on constatait que l'élève l'avait utilisée. Une fois suffit ! Observation d'une seule utilisation et le jugement tombe : c'est bon c'est acquis ! On passe à autre chose ! Soyons sérieux, c'est quand même très optimiste, c'est certainement politiquement porteur et cela permet certainement de donner le sentiment de réussite des élèves de nos classes, mais pour le réalisme, on repassera un peu quand même.
Tout était clair dans ma tête, la suite fut logique et immédiate :
Qui suis-je pour décider si une compétence est acquise ? En suis-je aussi sûr que ça ? Ne suis-je pas ici régulièrement dans l'arbitraire ? Et quand l'élève ne semble plus maitriser la compétence acquise quelques temps après, dois-je revenir sur le "Acquis" ? Dois-je envoyer le message de la régression : l'élève perd ses acquis ?
J'ai préféré devenir pragmatique et réaliste, mes "notations" se doivent d'être conformes à mon action d'évaluation : ce sont des rapports de ce que constate et observe dans la réalité. En passant à un rapport d'observation, je ne me pose plus ces questions, Je m'approche de la réalité et finalement je suis bien moins souvent dans l'arbitraire. Je parle donc de "compétence observée". Je ne m'engage pas plus que ça. L'élève l'a fait ? Je l'ai observé, il obtient l'évaluation "compétence observée". Simple et efficace, la durabilité de la disposition de cette compétence chez l'élève est alors le débat suivant à engager.
La mise en place de l'échelle d'évaluation CPR
Le concept de Compétence Observée étant posé, il est aisé de calquer le non acquis et le partiellement acquis en non observé et partiellement observé ! C'est certainement ce calquage évident qui fait dire la fameuse phrase : "Ça ne change rien de changer acquis en observé !" Certes, un tel changement de vocabulaire, même si son origine est expliquée dans le début de cet article, ne suffit pas à changer de paradigme pour le professeur devant l'acte d'évaluation.
Il reste ce que j'ai signalé il y a quelques lignes, à savoir la durabilité des "acquisitions". L'élève réussit à "recracher" ce qu'on lui a montré 10 fois et fait apprendre (éventuellement par cœur) le jour de l'évaluation, mais en sera-t-il de nouveau capable dans un autre contexte ? (Je me place ici dans le schéma DAE (Découverte-Application-Evaluation) des pédagogies que je qualifie de traditionnelles ; je vous renvoie encore à mon livre pour les concepts théoriques et fondateurs de la Pédagogie CPR !)
C'est certainement ici que la différence se fait plus profondément entre l'échelle d'évaluation CPR et ce qui se pratique généralement dans les écoles. Observer une compétence, c'est bien, mais évaluer une compétence n'est pas mettre une note à un exercice ! Peut-être d'ailleurs qu'il faudrait ici interroger aussi ce que veut dire évaluer par compétence ! Mais cela pourrait faire l'objet d'un autre livre complet ! Pour faire simple, j'ai trouvé pertinent de juger (autant que faire se peut) aussi de l'installation réelle et pérenne de la dite compétence. J'ai donc estimé que l'observer une fois était le signe que l'élève était capable d'atteindre le niveau des programmes requis, mais qu'il serait préférable, peut-être, qu'il puisse aller plus loin que ça !
Que veut dire qu'une compétence est disponible pour un élève ? Ma conception du pragmatisme nécessaire au développement de la ZPD propre de chaque élève porte en elle la réponse à cette question. (voir la page Pragmatisme et ZPD pour plus de précisions). Un élève doit pouvoir s'adapter et savoir appliquer ce qu'il sait fonctionner. Ainsi, une compétence sera installée de manière pérenne si l'élève peut la mobiliser dans des contextes différents. Dans la classe, avec le temps contraint qui est le nôtre, j'ai ramené les contextes différents à des exercices différents ! C'est un peu sauvage et réducteur parfois, mais le fonctionnement par Plans de Travail CPR répond à cette mise en situation. A ce propos, lors de la préparation de sa série annuelle de plans, il faut veiller à éviter au maximum de proposer des exercices du même type dans les 4 exercices proposés pour une compétence (Voir le guide pratique pour enseigner par plans de travail en cm1-cm2).
Pour finaliser l'échelle d'évaluation CPR, j'ai donc défini deux niveaux au dessus de la compétence observée. Je les ai appelés compétence validée et compétence confirmée.
L'échelle d’Évaluation CPR
Les niveaux de l'échelle
Compétence Confirmée (cC) : L’élève a réussi intégralement au moins trois tâches ou exercices différents requérant la compétence évaluée. Ce niveau de l’échelle correspond à un élève performant, qui est capable de mobiliser une compétence dans la grande majorité des contextes qu’il rencontre.
Compétence Validée (cV) : L’élève a réussi intégralement deux tâches ou exercices différents requérant la compétence évaluée. Ce niveau de l’échelle correspond à un élève en réussite, qui est capable de mobiliser une compétence dans des contextes différents.
Compétence Observée (cO) : L’élève a réussi intégralement une tâche ou un exercice requérant la compétence évaluée. De ce point de vue, il s’agit du centre de l’échelle et du minimum requis pour ne pas être considéré comme en difficulté.
Compétence Partiellement Observée (Po) : l’élève montre une réussite partielle dans les tâches et exercices demandés. Les exercices ne sont pas intégralement réussis, mêmes si certaines parties le sont.
Compétence Non Observée (No) : l’élève ne montre aucun signe d’utilisation de la compétence évaluée. Soit il n’a rien réussi dans les tâches ou exercices demandés, soit il n’a rien produit.
Dans la classe
Pour me simplifier l'utilisation de l'échelle, j'ai immédiatement fait fabriquer des tampons personnalisés permettant de communiquer le niveau d'évaluation avec son libellé exact. Les tampons de l'échelle CPR sont maintenant disponibles à la vente avec une échelle de couleur cohérente avec le codage à trois couleurs des corrections des Plans de Travail CPR. Quand je n'ai pas les tampons sous la main, ou que la place manque pour les apposer, je note la version abrégée de l'échelle : No Po cP cV cC, mais les élèves préfèrent largement le côté couleur et graphique des tampons ! Les parents seront toujours moins automatisés sur les abréviations et préfèrent donc aussi quad j'utilise le tampon qui associe l'abréviation et le nom complet du niveau.
Peut-elle être utilisée ailleurs que dans les plans ?
L'échelle d’Évaluation CPR, ainsi constituée pour le cadre de l’évaluation des Plans de Travail CPR, peut être généralisé à l'ensemble du travail produit en classe. Dans les activités qui sont articulées sur un jeu de questions/réponses, j'ai fixé la Compétence Observée à partir de 55% de bonnes réponses et la Compétence Validée à partir de 75%. Dans ce dernier cas, le côté novateur de la Compétence Validée ou Confirmée qui s'appuie sur différents contextes, est bien entendu moins présent.
Cette échelle d’évaluation peut aussi être utilisée dans d’autres pédagogies que la Pédagogie CPR. Si elle a été développée pour rendre compte des situations didactiques rencontrées lorsque l’on travaille par Plans de travail CPR, elle est parfaitement adaptée à tout enseignant qui a le même questionnement que le mien et dont la posture se rapproche plus d’un accompagnant que d’un maître.
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